Texte français par Henri Parisot (L'Age d'Or - 1976)
Il était quelque
peu rabougri, l'Hommelet - Non l'un de ces lourdauds à puissante carrure-, Il regardait d'un air accablé l'écrevisse Que sa femmelette avait servie pour le thé : "Mon doux atome, donne-moi mon fusillet, Et passe moi le vieux soléréret fétiche : Il me faut affûter auprès du ruisselet Et, pour toi, tirer un Canard !" |
Lors, lui ayant donné
le mignon fusillet, Et passé l'antiquard soléréret fétiche, La voici qui s'active à cuire la brioche Afin de l'accueillir avecque son Canard. Lui, cependant, trissait sans souffler motelet, Etroitement à ses penselettes uni, Vers les lieux où le superbissime oiselet Cancane si tranquillement. |
Où le Hommardeau se
tapit, et où le Crabe- Let, assoupi, s'avance cauteleusement, Où le Dauphin est chez lui, où la Limandine Rend de longues visites cérémonieuses; Où recherche le vermisseau la grenouillette, Où la Grenouille est poursuivie par le Canard, Où le Caneton est pourchassé par le Chiot... Ainsi va la chance du monde ! |
L'armette, il l'a
chargée d'une balle et de poudre : Ses pas sont plus silencieux qu'un souffle d'air; Cependant que les voix s'enflent de plus en plus, Et beuglent, et fanfaronnent, et tonitruent. Devant lui elles se hérissent, puis derrière, Voltigent au-dessus, puis au-dessous de lui, Stridents éclats d'un rire de balourd, étranges Vagissements de la misère. |
Elles résonnent en
dehors de lui, en lui, Elles font trémir ses favoris et sa barbe : Comme un toton semblant le faire tournoyer Sous des sarcasmes jusqu'alors jamais lancés. "Vengeance, criaient-elles, sur notre Ennemi ! Qu'il pleure, l'homoncule, pour ce qu'il nous fit ! Trempons-le de la tête aux pieds Dans le flot des Chants de Nourrice !" |
Il méditera sur :
"Lon, lon, la-vache-qui Par-dessus-la-Lune-a-voulu-faire-un-grand-bond! Il divaguera sur le-Chat-au-Violon Et sur le-plat-qui-avec-la-cuiller-s'enfuit. Son âme s'attristera avec l-Araignée- Qui-mit-en-fuite-mademoiselle-Faidherbe En s'asseyant si aimablement auprès d'elle Tandis qu'elle mangeait son lait caillé sucré !" |
"La musiquette
folle de la mi-été Le piquera de mille dards, Et, transporté d'une exubérante tristesse, Il gémira avec un lugubre délice : Il le couvrira, telle la brume de l'aube, De platitudes succulentes et visqueuses, Comme un pont couvre d'un immortel ornement, Le Chant de la Crevette !" |
"Quand sera décidé
le funeste destin Du Canardeau, nous le transporterons chez lui : Et le festin si somptueux Se changera en riz et en boutons de roses; Dans une flambée d'invention pragmatique Il vaincra le Destin et, dès lors, régnera; Mais comme il n'a d'ami digne d'être cité, Frappons-le derechef !" |
Ainsi, il l'a tué,
le délicat trésor ! Et les Voix, désormais, ont cessé le combat; Pas un chuchotement de sarcasme ou de hargne, Tandis qu'il le rapporte, chez lui, à sa femme : Puis, mâchonnant la briochette Que son épouse a si bien cuite, Il affûte à nouveau auprès du ruisselet Afin d'y capturer, pour elle, le malard ! |